Sociologie du caddie, moi dans la jungle du supermarché

Les grandes surfaces, les hypers, les pousse-caddies…appelez-les comme vous le voudrez, je n’y mets que rarement les pieds mais cela m’arrive tout de même de temps en temps. Personnellement, quand je me retrouve dans ce genre d’espace, j’aime observer. Je scrute, j’erre, j’analyse. Bien peu de produits rempliront mon caddie. D’ailleurs, je ne prends jamais de caddie. Pour y mettre une centaine de produits manufacturés et surmarkétés ? Bien sûr que non. Mon parcours dans cette jungle de l’hyperconsommation commence d’abord par l’inspection des ingrédients. Je compare tout et lis les étiquettes, immanquablement. Il est évident qu’aucun additif chimique n’entrera dans ma maison (enfin, je le crois)

Mais ce que je préfère, c’est le moment du passage en caisse. Quand, devant moi, les tapis se couvrent de tous les produits possibles et inimaginables que l’industrie alimentaire peut nous faire acheter. Le grand déballage. Je suis à l’affût, prête à décrypter l’individu qui me précède.

caddie-supermarche

Crédit photo > http://www.seriouseats.com/2016/01/22-supermarket-foods-to-leave-on-the-shelf.html

Caddie marketing 100% grandes marques

L’individu ne jure que par LA marque. Ne lui parlez jamais de MDD (Marque De Distributeurs), pour lui de bien pâles copies pas à la hauteur. Le Coca Cola n’a pas d’équivalent, les pâtes s’appellent Panzani et sûrement pas Carrefour ni Intermarché, malheureux. C’est la cible favorite de la publicité télévisuelle, son pouvoir d’achat est élevé et il n’est pas là pour bouffer de la sous-marque. De la sous-merde ?

Caddie jeune maman et/ou desespered housewife

Le caddie de la jeune maman débordée dégorge de petits pots qu’elle a pris soin de bien compter pour ne pas oublier un seul repas du marmot. Au milieu des lingettes très écologiques et des lotions bébé pour le corps enrichies à la pétrochimie, la purée de carottes des Landes côtoie celle aux panais et à l’émincé de poulet bio. On n’oublie pas la classique pommes bananes, si jamais le temps venait à manquer pour écraser une banane et la donner à bébé.

Caddie jeunes fêtards

Deux bouteilles de whisky, quatre bouteilles de Coca-Cola, quelques paquets de chips au glutamate, des mini-saucisses knackis. Peu importe les ingrédients, pourvu qu’on ait l’ivresse.

Caddie homme, trentenaire, actif, CSP+, célibataire

L’inventaire du jeune homme : 8 yaourts natures, 1 pizza surgelée, 1 bouteille de Bourgogne rouge, 10 steaks hachés surgelés, 5 plats Marie (du hachis parmentier en passant par le curry de poisson), du fromage à la coupe, un bocal de sauce bolognaise, du taboulé, des pâtes cuisson rapide, une botte de radis, un cassoulet William Saurin, 2 boîtes de haricots verts, 1 boîte de maïs. Le jeune homme veut aller à l’essentiel et ne s’embarrasse pas de futilités en cuisine. De l’industriel, du vite-fait. Il ne cuisine pas mais peut-être sait-il apprécier les plaisirs de la table, comme en témoigne la présence du fromage et du vin…J’imagine que la pizza sera dégustée devant le multiplex foot de Canal+. Quant au steak haché, il fera l’affaire pour une bolo rapide en sortant du bureau, pas avant 20 heures, le jeune homme ayant un job très prenant.

caddie

Caddie 100% non fait-maison

« Quoi ? Les carottes, tu ne penses tout de même pas que je vais les râper moi-même alors qu’elles sont vendues en barquette ? Ce soir, j’ai pensé à des lasagnes bolognaise, regarde, 20 minutes au four ; tiens, va me chercher de la salade en sachet pour manger avec. Ou des frites surgelées ? Mais prends les Mc Cain, je les préfère. » ADIEU.

Caddie sur-stockeur

Un couple de personnes âgées déballe lentement mais sûrement la montagne de nourriture soigneusement entreposée dans le caddie. Je pense que ce sont des accumulateurs. La météo prévoit des inondations, le journal une 3ème guerre mondiale ; sait-on jamais, en cas de repli forcé entre les murs, mieux vaut manquer de rien.

Caddie vide

Heu…c’est le mien. Mais pourquoi j’ai un caddie ?

Caddie en promo

La dame se présente à la caissière avec une dizaine de bons de réduction. Chaque bon de réduction correspond à un article bien précis. Bon, dans ce cas, mieux vaut changer de caisse, le passage sur le tapis risque de durer longtemps. Je souris, car moi-même, j’ai pratiqué. Mais pas une dizaine, un ou deux 😉

Caddie trop bobo pour être vrai

Je déteste l’emploi du mot « bobo » à tout va, comme si c’était un gros mot. Le bobo réellement bourgeois, des villes, peut se définir comme une personne à fort pouvoir d’achat, voulant à tout prix consommer bio mais qui n’est pas écolo dans son comportement par ailleurs. Dans son caddie, je vois surtout des plats préparés industriels mais bio, des pommes de terre d’Égypte mais bio, des poires du Pérou mais bio.

Caddie 1er prix

Ne rien lâcher sur les prix. Rien de rien de rien. Le fromage râpé devient « préparation fromagère » puisque le fromage est additionné de pâte appétissante à l’huile hydrogénée. Le steak haché devient « grillade à base de viande hachée » dans laquelle on trouvera quelques morceaux de fibres végétales et plus de gras que de protéines. Le jus d’orange est un désolant nectar avec plus de sucre que de fruits. Etc etc…

Caddie régime

Il est inconcevable pour Madame (ou Monsieur, tiens, pourquoi Madame toujours) d’avaler le moindre produit non LIGHT. Peu importe que le yaourt light soit en fait plus calorique que le pas light (light = allégé en matières grasses, pas en sucre…) parce que le plus important est que le mot LIGHT soit inscrit sur l’étiquette, ou bien 0%. Crème light, pain de mie light, chocolat light, biscuits light, cola light…et les pâtes light, le cassoulet light ? 0% sur l’étiquette, 100% l’arnaque.

Ne voyez pas de mépris dans cette narration, juste un brin d’humour et d’auto-dérision, j’ai moi-même été concernée un jour par ces types de caddie 😉 Aujourd’hui je préfère la jungle joyeuse et sans néons des petits marchés de producteurs et des épiceries proposant du « vrac ». Mon porte-monnaie, ma santé, et mon empreinte écologique s’en portent beaucoup mieux. A l’heure où sortent de terre, encore, des nouveaux méga centre-commerciaux dans les agglomérations, n’est-il pas utile de se demander jusqu’où va nous mener cette hyperconsommation absurde et aveugle de produits manufacturés et sur-emballés ?

8 réponses

  1. Isabelle dit :

    Je pense un peu comme toi pour les caddies, bon, je vais au supermarché et je remplis le miens de marque de distributeur bio, de marques honnêtes françaises Fossier, Malo, Les Dieux, de quelques fromages AOC (pas ceux du groupe des vaches qui BEL), la crème de marrons Faugier, du chocolat etc.. je fais un détour par le rayon articles de cuisine (non bio !!) et je craque sur un truc indispensable (je ferais mieux de craquer sur des placards) et des tonnes de litres de vinaigre blanc que j’utilise de plus en plus pour tout.

    J’avoue, en hiver, j’achète des fruits exotiques, de saison dans leurs pays, mais ils viennent en avion, forcément.

    Pour rebondir sur les marques industrielles, j’ai fait, à une époque, pas mal de relations de consommateurs (c’est assez marrant vu de loin, ça rapporte, on prend des csp + mais il y en a peu, on ne demande pas de preuves, pour faire acheter des marques industrielles aux consommateurs), la phrase qui revient le plus souvent c’est « aah ben c’est une marque connue alors c’est une marque de confiance » ben t’as raison, lis un peu les ingrédients (la liste est écrite de plus en plus petit), et les pires sont les aliments à destinations des enfants, merci LU, BEL, KELLOGG’S, BROSSARD (dont le Savane, en plus de ne pas être bon, est au bord de l’overdose d’huile de palme), NESTLE, DANONE, etc……mais bon les momes qu’on gave avec ça se shooteront au light plus tard.

    J’adore ton inventaire, mais dans la série promo, il y a le parents pas ultra friqué, qui n’a pas compris qu’en faisant lui-même ça sera meilleur et moins cher, qui se précipite sur le 1 + 1 gratuit, et là, quand c’est BEL, KELLOGG’S, NESTLE……

    Ca m’a toujours semblé bizarre que des gens qui hulent à la révolution quand le pain augmente de 5 cts, dépensent des fortunes pour des choses infectes, mauvaise pour leur santé et chères mais dont les emballages de toutes les couleurs qui s’entassent dans leur caddie les rends heureux comme des gosses en vacances, ce sont les mêmes qui vont te dire que c’est en France qu’on mange le mieux parce qu’on est le pays de la gastronomie mais quand on appelle McDo un restaurant il faut s’attendre à tout.

    • nadasto dit :

      Tout à fait d’accord, pas mal de personnes se plaignent de l’inflation mais consomme à tout va des choses très chères ramenées au prix au kilo. Il y a beaucoup de pédagogie à faire.

  2. Audrey-Laure dit :

    Hello, Je partage avec toi cette retenue concernant les grandes surfaces.

    Néanmois, je trouve la description « jeune maman débordée  » un peu trop caricaturale, et me blesse un peu: J’ai deux enfants, 3 ans et 1 an et demi, je travaille à plein temps, et j’ai une maison à faire tourner. Quand je dis que je n’ai pas 5 minutes à moi dans la journée, ce n’est pas une image, parfois je n’ai même pas le temps de prendre une douche, et je m’écroule à 22h dans mon lit. Je pense éviter à mes filles la malbouffe, je pense faire du mieux que je peux, néanmoins, comme c’est le cas ces temps ci, il m’arrive d’avoir des cernes jusqu’aux genoux et de ne pas toujours faire tout idéalement.
    Alors je ne devrais pas avoir honte du regard des autres quand j’achète (de temps en temps!) des pots pour mes filles, je ne devrais pas avoir honte de ne pas pouvoir leur donner à chaque repas des produits bio faits maison et avec amour, et pourtant, c’est avec ce genre de description lue sur internet que j’aurai honte la prochaine fois que je poserai un petit pot prêt à consommer sur le tapis roulant du supermarché du coin.

    Bien sur que ça prend 1 min d’écraser une banane, mais on fait ce que l’on peut parfois… Et lire ce genre de description me blesse, car je pense que cela rajoute à la pression quotidienne que les jeunes mamans ont en permanence sur leurs enfants…
    Que celles qui arrivent à faire « correctement » à manger pour 4 personnes tous les jours tout en ayant le linge et le ménage à jour, et la journée de travail dans les jambes, eh bien je leur tire mon chapeau. Moi, je n’y arrive pas tous les jours, et je ne devrais pas avoir honte d’acheter quelques fois des aliments qui me facilitent la vie…

    Néanmoins je continue de te lire par plaisir…!

    Bonne journée et bonnes fêtes!
    Audrey-Laure

    • nadasto dit :

      Coucou…oh lala faut pas le prendre pour toi!! c’est de l’ironie et fait exprès. Je te jure, j’ai réellement vu une fois un charriot avec au moins 50 petits pots! J’ai trouvé ça abusé et m’étais fait la réflexion que cette maman donnait tout son argent aux multinationales. Évidemment qu’on achète tous de temps en temps ce genre de plats « faciles » même moi ça m’arrive alors que je prône le fait-maison… Allez, courage 🙂

  3. LeFoodBol dit :

    HAHAHA, génial ton article. J’adore aussi regarder les caddies des gens quand je suis avec ma conserve de tomates dans une main et ma piecette dans l’autre.
    Un jour j’ai eu le plaisir de voir sur le tapis devant moi un pack de kinder bueno avec une etiquette de jeu concours dessus afin de gagner des cours de sport.
    Un grand moment avec moi même.

  4. bilquard dit :

    Excellentes réflexions, j’avoue faire l’achat des carottes râpées avec réticence, mais je songe bien changer d’attitude dès que ma retraite sera entamée
    Je suis tes recettes, c’est un bon début et du fait maison au moins une fois par jour

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